Qu’est-ce qu’une rupture ?
La rupture est le fait de se rompre, de se briser, fait de s’arracher de se déchirer, fait de s’interrompre brusquement, changement soudain de l’état des choses, séparation, interruption d’une relation.
Une rupture est souvent violente pour celui qui la prend de plein fouet, car c’est une décision très arbitraire, tranchée.
Les contacts étant rompus, il n’est plus possible de mettre des mots, des explications sur la motivation d’une telle décision. Cela laisse un sentiment de vide, d’incompréhension, parfois de colère ou de culpabilité pour celui qui subit.
Il y a une grande part émotionnelle dans la rupture,
Une personne peut choisir de rompre avec tout le clan, n’avoir plus aucun contact avec ses parents, sa fratrie et parfois même avec ses enfants.
Il est également possible de prendre de la distance avec une ou plusieurs personnes de la famille.
Dans ce cas, cela crée une scission entre les membres de la famille, entre ceux qui le côtoient encore et ceux qui ne le fréquentent plus.
Il y a alors un questionnement lors des événements familiaux.
Comment faire pour gérer la situation ? Cela pose un problème pour celui qui a provoqué la rupture, qui lors de ces événements peut croiser des personnes qu’il n’a pas envie de voir, mais aussi pour les autres membres de la famille qui doivent prendre en compte ce problème.
Dans ma pratique, je conseille à ceux qui sont dans cette situation et qui ne veulent pas couper les ponts avec la personne en rupture avec la famille, d’organiser par exemple une crémaillère en plusieurs fois, une fête avec ceux qui se côtoient toujours et une autre réunion avec le proche qui met de la distance avec les autres membres de la famille. Ainsi vous gardez les liens avec tous sans envenimer la situation et en prenant en compte les positions de chacun avec diplomatie et empathie.
Les ruptures laissent des traces aux générations suivantes car elles ne sont pas parlées, expliquées. Cela génère un sentiment d’abandon, une incompréhension. C’est une situation inachevée qui se transmet à la descendance. Il est fréquent qu’une rupture perdure dans l’arbre. Les descendants de ceux qui ont voulu ou subi la rupture ne sont pas en contact et le lien est rompu. Une grande volonté de renouer sera nécessaire aux descendants pour retisser une relation avec les personnes mises à l’écart lors de la brouille initiale.
Les ruptures sont dues à un désaccord ou un conflit lors de changements importants dans la famille. Ce sont souvent des moments ou l’émotion est forte car ce sont des situations difficiles à vivre, comme une séparation, un moment douloureux, un deuil.
Les conflits naissent d’une différence de points de vue sur une situation donnée. En effet chacun appréhende un problème, un événement selon son vécu, ses relations avec les personnes de la famille, sa vision des choses et de la vie.
L’argent est également un grand motif de discorde dans le clan.
Il est essentiel d’aller voir au-delà du discours, des apparences.
Un besoin impérieux de récupérer de l’argent cache souvent un manque de reconnaissance familiale, un sentiment de ne pas avoir été assez aimé par ses parents, ou délaissé au profit d’un frère ou d’une sœur.
C’est une grande souffrance d’enfance qui rejaillit. La plupart du temps, celui qui demande plus n’a pas conscience de ses propres blessures.
Voici différents éléments déclencheurs de rupture dans le clan :
Une personne peut également rompre tous liens en quittant la maison familiale. Très tôt dans sa vie, cet individu a besoin d’effacer des souvenirs douloureux et leurs protagonistes. C’est souvent des personnes qui partent vivre loin de leur famille, dans une autre région, à l’étranger, à l’autre bout du monde.
Bien sûr il y a d’autres moyens de se guérir de son enfance, mais la rupture peut être une solution choisie. Ce sont souvent des ruptures très longues, parfois les personnes disparaissent purement et simplement, plus de nouvelles pendant des années. Les proches ne savent pas ou vit la personne qui est partie loin. Ils ne connaissent pas ses descendants, ses amis, son métier. C’est la rupture totale.
Parfois, il peut subsister des informations sur celui qui n’est plus en contact avec la famille, par des amis communs, des connaissances. C’est le cas lorsque les personnes sont restés dans la même région. Les nouvelles sont plus facilement transmises de part et d’autre.
Une nouvelle vie amoureuse se profile à l’horizon, peu à peu une compagne, un compagnon prend place dans notre vie. Une personne chère à votre cœur s’installe à côté de vous.
C’est un grand bouleversement pour chacun mais aussi pour le clan.
Il est question ici d’intégration, d’acceptation des conjoints dans leurs belles-familles respectives. C’est parfois extrêmement complexe.
Cela va changer :
La physionomie de la famille :
La personne nouvellement en couple peut avoir plus confiance en elle, peut s’exprimer plus librement avec de l’humour ou du cynisme. Cela peut modifier un tant soit peu son caractère, sa personnalité (surtout au début de la relation). Cela n’est pas toujours bien accepté.
La structure familiale :
Quelqu’un arrive dans votre famille, à une place bien particulière, il est important d’apprendre à la connaître ou mieux la connaître, à lui faire une place dans votre famille. C’est un changement à intégrer pour chacun. Certains vont bien le vivre, d’autres moins bien. Il peut y avoir beaucoup de sentiments très différents, l’empathie, la sympathie, la jalousie, l’incompréhension, la rivalité.
A cela s’ajoute parfois les enfants du nouveau conjoint qui dorénavant font partie intégrante de la vie du nouveau couple. Il y a donc plusieurs personnes à intégrer dans le clan en même temps. Cela peut être difficile pour la famille mais aussi pour les personnes qui n’en font pas partie. C’est un grand bouleversement qui amène son lot d’émotions.
La place de chacun :
La psychogénéalogie nous parle souvent de la place.
Nous y revoilà. Le nouveau couple fait bouger tout les membres du clan.
Le lien aussi fort soit-il dans la famille va devoir évoluer avec l’arrivée d’un conjoint qu’il va falloir intégrer et prendre en compte.
Souvent j’ai constaté dans ma pratique, que dans un couple, l’équilibre relationnel entre les lignées est parfois difficile à trouver. Nous côtoyons l’une ou l’autre branche, cela peut même aller jusqu’à la rupture totale avec une partie du clan.
Cela peut également venir du conjoint qui peu à peu coupe le lien avec sa belle famille. Dans ce cas, il est intéressant, si cela est possible de regarder sa structure familiale pour explorer les raisons de la rupture. Une bonne piste est d’aller voir les couples dans sa famille pour comprendre comment il a construit sa vision du couple, ses croyances, ses valeurs dans la relation amoureuse.
Vous pouvez également faire attention aux ruptures qu’il ou elle a subi, cela explique souvent beaucoup de choses. Y-a-t-il eu des abandons dans sa famille, ce qui pourrait expliquer qu’il abandonne pour ne pas se faire abandonner.
De manière générale, il est toujours intéressant de regarder ce qui s’est passé chez les ascendants afin d’analyser et de mettre de la compréhension sur un comportement.
Une séparation va amener beaucoup d’émotion de part et d’autre. C’est toujours un moment délicat même lorsque c’est une décision souhaitée par les deux protagonistes. Il peut y avoir un nombre incalculable de motifs de conflits, la cause de la séparation, la répartition des biens, la garde des enfants, l’organisation future, la perte d’amis communs, les prises de positions des lignées.
Il est important de penser aux enfants car ils vont être pris dans un conflit de loyauté entre leur père et leur mère. Ils vont être tiraillés entre l’un et l’autre car ils ont besoin des deux dans leur construction. Pour le protéger, ils peuvent choisir de s’allier avec le parent qu’ils considèrent comme le plus faible (ce parent n’est pas toujours en état de faiblesse, mais l’enfant le pense), ou le parent le plus touché par la séparation, ou encore avec celui avec lequel il ont le plus d’affinité.
La séparation amène un changement dans leur structure familiale qui va les impacter même si les parents sont bienveillants et à l’écoute, leurs habitudes sont bouleversées et ils vont devoir s’adapter à cette nouvelle situation.
En plus de leurs propres troubles, ils vont devoir faire face aux sentiments de chacun de leur parent (même si ceux-ci accueillent leurs émotions, les enfants sont fins et ressentent beaucoup). Bien sûr les adultes font du mieux qu’ils peuvent pour avancer dans la tourmente qu’est un divorce, mais ils vivent également un passage compliqué de leur vie qui peut les stresser, les peiner, les mettre dans l’insécurité face à l’avenir. Même si le couple est prêt à se séparer, cela va amener des émotions chez chacun d’entre eux, que les enfants vont capter. Cela fait beaucoup pour ces derniers.
Ce bouleversement familial est un cap à passer pour les enfants et leurs parents.
C’est un passage très complexe pour tous ceux qui y sont confrontés.
Cela va laisser des traces, comme souvent les épreuves, que l’on va pouvoir retravailler en psychogénéalogie.
Lors d’un décès, il y a énormément de choses à régler, les papiers à établir, puis l’organisation des obsèques, la question des biens du défunt tout cela doit être trié, partagé, donné, vendu puis vient la succession, j’en reparlerai un peu plus bas.
Il est nécessaire de comprendre que la relation que l’on a eu avec le défunt va influencer nos choix.
La personne que l’on voit tous les jours meurt, cela va changer notre vie, nos habitudes. Le manque sera immense. Lorsqu’il y a une grande proximité, le deuil est douloureux, la tristesse est profonde. Dans ce cas, l’individu endeuillé est à fleur de peau, vulnérable et peut être blessé facilement sans intention aucune. Tout ce qui sera dit à propos de la personne décédée peut générer une émotion, une rancœur, une incompréhension qui peut par la suite dégénérer en conflit.
Un individu peut paraître plus détaché voire indifférent, alors qu’un autre sera bouleversé. Toutes les réactions sont justes car elles dépendent de la personnalité de chacun, de la relation avec le défunt.
Fréquemment après un partage d’héritage, les membres de la fratrie s’éloignent les uns des autres.
Chaque enfant ou adulte va vivre la mort de l’un de ses parents de façon différente, cela peut créer une distance.
Certains ont besoin d’en parler, d’autres se murent dans le silence par pudeur, d’autres encore expriment leurs émotions par des pleurs, par des réactions qui sont parfois jugées trop exubérantes.
Un homme me racontait que, pour honorer leur mère à son enterrement, sa sœur souhaitait entrer dans l’église avant le cercueil, alors que lui préférait marcher derrière en tant que descendant de celle-ci. Chaque comportement aussi différent soit-il a un sens pour celui qui le met en œuvre.
Nous ne sont pas égaux dans une épreuve, les agissements sont différents et peuvent même paraître incompréhensibles voire étranges.
Lors de successions, les émotions sont réactivées de différentes façons :
Le deuil proprement dit
Il y a la perte, le manque, parfois la culpabilité. Les places se modifient et chacun doit retrouver la sienne dans la nouvelle structure familiale soit par rapport au parent qui reste, ou en tant qu’orphelin, mais également par rapport aux autres membres de la fratrie. Chacun entame son processus de deuil et devra revisiter sa relation au défunt.
Les conflits du passé
Les désaccords, les frustrations, les émotions de l’enfance sont latentes et ressurgissent à ce moment là. C’est souvent lors du partage des biens que se révèlent les préférences dans les liens parents enfants. Les vérités sont dites et ça fait mal. C’est un manque de reconnaissance, une injustice dans la répartition des biens.
En psychogénéalogie, il est dit que nous réglons nos comptes.
Les révélations de la succession
Le passage chez le notaire (no-taire) est un moment fort de la succession.
Les enfants non connus par la famille pointent leur nez. La belle-mère fait main basse sur l’héritage. La lecture du testament crée la surprise. C’est un passage de révélation familiale. C’est souvent inattendu et brutal pour les ayant-droits. C’est une grande source d’émotions et de conflits et ceux-ci peuvent perdurer des années.
Ce sont des passages émotionnels dans le clan, c’est bon de le savoir pour s’y préparer, anticiper le fait que ces moments sont difficiles, générateurs de stress et de tensions.
La difficulté est que chaque personne pour des raisons différentes est dans une période de vie complexe, soit par le deuil qui est à traverser, soit en cas de rupture familiale longue, par le fait de reprendre un contact avec la famille, après parfois des années de rupture.
D’un sens comme de l’autre c’est impliquant. Quoi qu’il en soit, cela nous ramène dans le giron familial, berceau de beaucoup de souvenirs agréables ou détestables auxquels il est parfois difficile de faire face avec tout le cortège d’émotions qui y sont liées.
Les parents sont le socle, le ciment de la fratrie. Les enfants s’organisent pour s’occuper de leurs parents en fin de vie. Cela génère des rencontres, des discussions, une certaine organisation.
Il y a beaucoup à faire, veiller à leur santé, à leur bien-être, vérifier leurs comptes, suivre l’administratif.
Ce n’est pas aisé d’accompagner ses parents, ne pas être trop intrusif, trouver sa juste place c’est à dire être celui qui prend soin mais qui reste aussi dans l’affect. Comment concilier la fonction d’aidant tout en étant bousculé émotionnellement par la perte d’autonomie des proches qui nous sont plus ou moins chers, qui suscitent en nous une émotion, de la tristesse, de l’empathie, de la culpabilité, de la colère, de la rancœur.
Cela va conduire à des prises de positions différentes entre frères et sœurs. Certains voudront faire le maximum, d’autres le moins possible. Il n’y a pas un comportement exemplaire. Chacun fait comme il peut, comme il sent en fonction de son vécu, de sa disponibilité, de sa relation avec son père ou sa mère, de son sens de la famille, de ses blessures. Il est essentiel de toujours garder cela à l’esprit sans juger, même si cela nous est difficile.
Lorsque nos proches perdent leur autonomie et que leurs enfants doivent les prendre en charge, il est fréquent que cela angoisse les descendants car cela les confronte à la mort prochaine d’un de leurs parents, mais aussi à leur propre mort.
Même en étant adulte, responsable et complètement autonome, la perte ou la maladie d’un parent émeut et touche.
Les parents peuvent avoir été et être encore jusqu’à leur décès un lieu de rencontre entre les enfants. Mais aussi un lieu où il est difficile de se rendre. Lorsqu’ils décèdent, souvent la fratrie se délite.
Le lien habituel aux ascendants n’est plus vivace comme lors des rencontres, des obligations communes. Au décès cela s’arrête. Il est nécessaire de créer un autre lien fraternel sans les parents. Ce lien doit maturer pour se transformer en un lien entre adultes, différent du lien entre enfants de mêmes parents. Cette mutation du lien d’attachement en un lien plus autonome est essentiel pour l’avenir des relations intergénérationnelles, et en même temps complexe à transformer.
Si le lien fraternel n’a pas été assez nourri par les parents durant l’enfance, j’ai souvent remarqué un basculement générationnel à ce moment là. Après s’être occupés de leurs parents, les personnes se retournent vers la famille qu’ils ont construite, leur propre descendance. Avant ils regardaient vers le haut de l’arbre familial, ils prenaient soin de leurs ascendants. Après leur mort, ils tournent leur regard vers le bas de l’arbre, leur descendance.
Le lien intergénérationnel avec la fratrie, les individus de la même génération est moins fort. Cet attachement n’est plus basé sur un lien de parenté mais sur une affinité entre personnalités.
Il n’y a moins ou parfois plus aucun lieu de rencontre, de repas de famille entre membres d’une même fratrie.
La maison familiale où l’on évoquait les souvenirs communs a été vendue ou appartient à l’un des frères ou sœurs, ce n’est plus le lieu de retrouvailles, la maison des parents ou chacun avait, de fait, sa légitimité, sa place. Ce bien familial est devenu le lieu de vie d’une personne de la fratrie et de sa famille. Ce n’est plus pareil. Une page est tournée.
En fait, notre élan nous amène à côtoyer les personnes dont nous sommes proches naturellement et à laisser les autres de côté. Il n’y a plus d’obligation dans la parenté. C’est à ce moment là que les frères et sœurs se fréquentent de moins en moins et que l’écart se creuse.
Il arrive qu’une personne fasse un choix qui n’est pas compris ou pas accepté par les membres de sa famille. Il peut s’agir du choix d’un conjoint, d’un métier qui ne plaira pas à certains membres de la famille.
Parfois si un individu ne se conforme pas à l’ordre familial, il peut être banni.
J’ai à l’esprit l’histoire d’une femme, aînée de sa fratrie qui ayant perdu son père, devait donner son salaire pour ses petits frères et sœurs. Lorsqu’elle souhaita se marier ce fût déjà difficile à accepter pour sa mère, mais lorsqu’elle tomba enceinte, celle-ci lui proposa de garder sa fille afin qu’elle puisse continuer à travailler et laisser sa paye pour la famille. La jeune maman refusa et la rupture fût inévitable.
Parfois lorsque les ascendants n’acceptent pas que l’on veuille créer sa propre famille, il est incontournable de trancher, c’est un choix cornélien, mais nécessaire car il n’y a pas de compromis possible.
C’est un peu moins le cas aujourd’hui mais cela peut encore arriver.
Lorsqu’une personne agit de façon malhonnête, ne respecte pas la loi, ou commet des actes répréhensibles même sans se faire prendre. Il y a alors une incapacité à supporter le ‘qu’en dira-t-on’, la rupture arrive vite.
Dans ce cas, il y a un sentiment de honte ressentie par les autres membres du clan. Le prénom de la personne n’est plus prononcé. Il est alors difficile de renouer des liens même si l’individu banni revient dans le droit chemin.
Il arrive également qu’un événement douloureux soit vécu différemment selon les personnes, cela crée un schisme, un gouffre souvent irrécupérable qui conduit à la rupture. C’est le cas notamment lorsque des parents perdent un enfant. Ils traversent cette épreuve mais leur couple n’y survivra pas. Ce n’est pas toujours ainsi heureusement. D’autres couples tiennent bon dans l’adversité et cela les renforce.
Parfois il est essentiel de rompre pour se protéger. Face à des parents maltraitants, manipulateurs, il y a urgence. La relation est trop toxique pour perdurer. Les personnes qui font ce choix ont suivi un long cheminement avant d’en arriver à cette extrémité, en effet c’est une décision difficile à prendre, lourde de conséquences mais Ô combien bénéfique. C’est une question de survie. Après vient le soulagement.
‘Il s’agit bien de sauver sa vie, de fuir, pour se relever ailleurs, se défaire des mythologies familiales et s’extraire de la sauvagerie de certains liens, pour échapper à la dévoration. Il n’y a plus que la coupure radicale, la déprise qui permettent de survivre ; qu’il s’agisse de se libérer d’une loyauté toxique, de liens venimeux ou, plus simplement, reconnaître la réalité d’une différence trop grande pour permettre un accord ou une réelle compréhension.’
Extrait du livre Ruptures de Claire Marin
Un cap important est d’accepter l’inacceptable. Quelqu’un proche de vous a rompu la relation, cela vous a blessé, peiné, mis en colère, attristé. Cette rupture peut amener de la culpabilité. Vous regrettez certaines de vos paroles ou de vos actes. Toutes ces émotions sont compréhensibles. Vous traversez quelque chose de difficile.
La souffrance vient de la différence entre la réalité et la situation souhaitée.
Vous aimeriez être en lien avec ce proche, c’est votre vœu le plus cher.
La réalité est que ce n’est plus possible en tout cas pour le moment. Il y a un manque à cet endroit.
Plus vous accepterez cette situation, moins vous souffrirez. C’est facile à dire n’est-ce pas ?
Cette rupture vous met dans une situation d’attente, la personne qui a rompu peut revenir dans votre vie demain, dans un mois, dans un an ou ne jamais réapparaître. C’est ce qu’on appelle en psychogénéalogie une situation inachevée. Ce proche n’est pas décédé, alors ce n’est pas le deuil de la personne elle-même que vous devez faire mais plutôt celui de la relation que vous aviez avec lui ou elle.
Plus vous étiez proche, plus cette séparation forcée sera difficile. Les souvenirs nombreux de moments passés ensemble seront autant de réactivateurs de souffrance du manque que vous vivrez.
Il est essentiel de laisser le temps au temps, accepter la situation telle qu’elle est aujourd’hui sera long mais véritablement nécessaire.
Soyez bienveillant avec vous-même, exprimez vos émotions, vous avez le droit de pleurer, d’être en colère contre cet être cher qui vous abandonne.
Vous pouvez laisser libre court à vos émotions par l’expression quelle qu’elle soit, vous pouvez chanter, crier, danser, peindre, dessiner, écrire. Cela vous permettra de laisser sortir cette souffrance au fil du temps. Vous pouvez le faire de différentes façons, à votre rythme pendant plusieurs mois ou plus, à maintes reprises.
Parfois vous aurez l’impression que vous avez passé le cap, que maintenant vous êtes guéri et pourtant ce sentiment d’abandon, de rejet reviendra en force. Peut-être aurez-vous le sentiment que ce ne sera jamais fini.
Ayez confiance en votre pouvoir de résilience, en votre capacité d’auto-guérison, vous vous en sortirez soyez en sûr.
Lorsque certaines émotions restent en suspens, sont toujours actives, c’est un endroit où il est difficile d’aller car la souffrance est encore très présente, le sentiment de perte est toujours très vif et douloureux. Souvent nous ne voulons pas en parler car cela fait trop mal. C’est ce que la psychogénéalogie nomme une crypte.
Ce travail est important pour évacuer la douleur de la perte de la relation. Cette souffrance ne stagnera pas dans l’inconscient familial. Ainsi vous éviterez de constituer une crypte que vos descendants (enfants, neveu, nièce, etc…) devront nettoyer.
Par ce rituel, vous exprimerez en conscience les émotions que ce traumatisme a généré, vous vous soignez vous-même.
Le rituel est un excellent moyen d’intégrer, de métaboliser par le corps.
Il est très puissant pour alléger, soulager et nettoyer l’inconscient familial lors des épreuves.
Le fait de penser, d’imaginer puis de réaliser un rituel, est un acte fort.
Ces situations inachevées, mal gérées, mal acceptées, qui ne seront pas métabolisées, digérées, intégrées, laisseront donc des traces émotionnelles et seront ainsi transmises aux générations suivantes qui devront finir le travail à votre place.
Pour ma part, lorsque j’ai été confrontée à certaines pertes amicales ou familiales, j’ai juste jeté sur le papier tout ce que je ne voulais pas garder à l’intérieur. L’écriture est un bon exutoire, j’ai pu y revenir plusieurs fois, tranquillement lorsqu’un quelconque sentiment refaisait surface. J’ai souvent brûlé mes écrits et dispersé les cendres dans une rivière avoisinante. J’aime bien l’idée de l’eau qui nettoie et qui emmène vers un ailleurs, loin de moi.
Pour illustrer mon propos, j’avais à cœur de vous raconter l’histoire d’Alexandre
Je fais la connaissance d’Alexandre au moment ou il va devenir père pour la deuxième fois. Ce n’est pas anodin.
Lorsque les parents d’Alexandre se rencontrent, son père est en prison, sa mère est visiteuse dans l’établissement où il est incarcéré.
Ils tombent amoureux et Alexandre est conçu dès la sortie de prison de son père.
Cela vient déjà nous parler de liberté.
Alexandre grandit avec sa mère. Son père ne vit pas avec eux, mais il arrive que sa mère lui vienne en aide quand il est dans une mauvaise passe, cela peut durer quelques semaines ou quelques années même s’ils ne sont plus en couple.
Le père que nous appellerons Jean est brillant, il parle plusieurs langues, il est traducteur, il a une grande culture générale. Alexandre est en admiration devant ce père qu’il ne voit pas assez souvent.
Son père n’a plus aucun contact avec ses parents ni sa nombreuse fratrie, car ses agissements en dehors de la loi ont généré une rupture depuis des années. Alexandre ne connaît et ne fréquente personne de sa lignée paternelle.
Du côté maternel, son grand-père n’a pas été là, ce père a également manqué.
Sa mère s’occupe bien de lui. Il a tout ce qu’il a besoin et fait de brillantes études.
Alexandre a eu un premier fils qui a maintenant 4 ans. Lors de cette première union, il a eu le sentiment d’être privé de liberté. Il ne pouvait pas acheter ce qu’il voulait malgré le bon salaire qu’il gagnait, il y avait beaucoup de conflits dans le couple. Il a donc décidé de se séparer. Le divorce est difficile, d’autant plus que la maman vit dans les Alpes et le papa proche des Pyrénées. Pour voir son fils, il doit parcourir une grande distance pour un week-end toutes les deux semaines et la moitié des vacances, ce qui ne facilite pas le lien.
Après ce premier enfant qu’il ne voit pas souvent mais avec lequel il a de bons échanges, Alexandre se questionne sur sa place de père. Comme pour lui, en tant que père, il est absent dans la vie de son fils. L’histoire se répète.
Lorsque sa compagne tombe enceinte, tout resurgit le papa absent, le manque de liberté, le questionnement sur son rôle de père.
Dans le même temps, sa compagne actuelle perd sa mère avec laquelle les relations étaient complexes. Dans ce couple, il s’agit bien du lien parent enfant.
Lors des premiers échanges avec Alexandre, je lui demande quel est son métier. Il travaille dans le médical mais également en lien avec l’armée pour laquelle il organise des formations de prise en charge des blessés.
Cette activité commence et ne génère donc pas de revenus conséquents mais nécessite beaucoup de temps de mise en place, comme souvent les projets à leur début. Il est régulièrement en déplacement.
Sa compagne s’inquiète de ses absences et se demande si cela va durer.
Alexandre quant à lui ne veut pas être ‘prisonnier de la famille’ comme lors de sa première union.
Alexandre tient beaucoup à l’armée, il s’y donne et ne compte pas ses heures. Dans ce cadre, il va en quelque sorte chercher ce père qui lui a tant manqué. En effet en psychogénéalogie l’armée, c’est l’état, et celui-ci symbolise le père. N’oublions pas qu’Alexandre a perdu son père assez jeune et n’a aucun lien avec sa branche paternelle.
Peut-il reprendre contact avec cette lignée ? Est-ce envisageable pour lui ?
Retisser du lien du côté paternel, n’est-ce pas être déloyal à ce père tant aimé ?
En effet cette lignée paternelle a banni son père. Ce n’est pas rien.
Pour lui et pour ses fils, cela serait vraiment profitable.
Pour que tous les hommes de sa lignée reprennent leur place de fils et de père.
Cet exemple montre qu’une rupture peut avoir des conséquences sur les générations suivantes.
Alexandre a fort à faire pour ne pas tomber dans le piège de la répétition de rupture paternelle. C’est extrêmement difficile même s’il en prend conscience, car il ne s’agit pas que de lui, mais de tout un ensemble, de l’inconscient familial qu’il va falloir réparer. C’est lourd et cela demande beaucoup de persévérance pour changer les habitudes mises en place depuis plusieurs décennies.
Ces séparations non digérées engendreront d’autres événements de même nature dans l’avenir. L’inconscient familial ne sera pas apaisé.
Ces coupures dans l’arbre familial sont une source de grande souffrance. Il est essentiel de permettre aux protagonistes de s’exprimer sur ces ruptures, sinon ces situations inachevées laisseront des traces émotionnelles que les générations suivantes devront prendre en charge.
Grâce à la psychogénéalogie vous pourrez, petit à petit, dénouer les fils des relations familiales complexes. Cela vous aidera à traverser l’épreuve de la perte, à mettre des mots, à exprimer votre incompréhension aux autres membres de la famille touchés par la même rupture.
Photo : Tim Mossholder